BILAN DE L’AUDIENCE DE MAURICE KAMTO ET ALLIÉS AU TGI DU MFOUNDI Par Olivier Bibou Nissack

Ce jeudi 14 mars 2019 se déroulaient deux audiences concernant les marches blanches du 26 janvier dernier.
La première audience concernait les autres demandes d’Habeas Corpus (libération immédiate) introduites auprès du TGI de Yaoundé Centre Administratif par le collectif des avocats du Président élu Maurice KAMTO, de ses alliés Christian Penda Ekoka, Albert Dzongang, Paul Eric Kingue, Gaston Serval ABE dit  »Valsero »; des cadres du MRC tels le Professeur Alain Fogue, Célestin Djamen, des conseillers municipaux incarcérés et de l’ensemble de tous les prisonniers politiques des marches blanches. La deuxième audience concernait la décision d’accorder ou non l’Habeas Corpus aux détenus ayant comparus le 07 mars dernier par devant le TGI.

Les réquisitions du Procureur ont ouvert les débats, Procureur qui la dernière fois souhaitait ouvrir une investigation sur une pièce après avoir clôt ses réquisitions en déclarant faux le mandat de perquisition utilisé à Douala le 28 janvier dernier, alors que cette pièce avait été authentifiée par le Tribunal Militaire de Yaoundé. Fidèle à ce qu’il avait démontré précédemment de surprenant et paradoxal, il fera des réquisitions contre l’attribution de l’Habeas Corpus aux prévenus qui pourtant plus que quiconque le méritaient étant donné que l’illégalité de leurs arrestations, gardes à vue et détentions étaient soit illégales soit sujettes à caution concernant les conditions inhumaines et dégradantes dans lesquelles elles s’étaient déroulées.
Réagissant aux réquisitions du Ministère Public exécutées par la voix du Procureur de la République, le collectif des avocats assurant la défense des prévenus des ’’marches blanches’’ du 26 janvier 2019 fera une fois de plus voler en éclats les arguments du Procureur. Le chapelet des violations de la loi sera donc ici réitéré avec un brio renouvelé par les avocats dont l’inspiration et les tournures nouvelles développées captivent à chaque fois l’attention des esprits honnêtes et sincèrement attachés au droit, du moins en dehors de toutes ‘’instructions’’ de la ‘’hiérarchie’’. Une fois la phase des réquisitions et des plaidoiries close, madame le Président du Tribunal va donner la parole aux prévenus comme le veut la loi. Elle au moins se conformera à cette exigence légale, dérogeant ainsi à l’impair commis par le Président du TPI dans l’affaire du flagrant délit MRC/MIDA. Le président sans procéder à aucune concertation avec les autres membres de la collégialité avait lu tout juste après les plaidoiries des avocats, une décision comme qui dirait visiblement pré écrite sans prendre la peine de donner une dernière fois la parole aux prévenus, en violation de la loi qui prescrit cette ultime formalité.
Prenant donc la parole devant madame le Président du Tribunal, les prévenus du jour feront le récit effroyable des conditions de leurs arrestations, de leurs gardes à vue, et de leurs détentions. Aussi cette jeune enseignante d’espagnole ouvrira la série en révélant qu’elle avait été arrêtée à Dschang par un policier qui lui avait précédemment fait la cour et qu’elle avait repoussé ! Ce dernier durant son interpellation et son arrestation l’avait tout d’abord roué de coups avant de la jeter en cellule avec une rage particulière ; elle révélera qu’une consultation médicale avait expliquée la coulée désormais permanente de ses menstrues comme le résultat d’un « trouble psychologique qui a troublé son cycle hormonal ».

Lui succédera à la barre le prévenu politique qui citera Socrate en invitant madame le Président à être ‘’sage’’ dans sa décision. Puis viendra cette prévenue mère de trois enfants qui expliquera avoir adhérée au MRC en vue de se doter d’une nouvelle famille suite à une tragédie qui l’avait privée de ses sœurs en lui laissant pour seule membre de la famille sa maman. Arrêtée elle aussi à l’Ouest du Cameroun, elle révélera que la marche blanche avait été encadrée par les forces de l’ordre sans aucun heurts à signaler. Une fois la marche blanche achevée, les forces de l’ordre avaient demandé aux marcheurs de se disperser, chose aussitôt faite volontiers par les marcheurs. Cependant à peine la dispersion amorcée en ordre, la police s’était mise brusquement à conduire des arrestations, parmi lesquelles la sienne. Déportée ensuite avec d’autres pour Yaoundé, elle dira que son asthme la fit souffrir durant tout le trajet et elle se retrouva contrainte à retirer son foulard pour vomir dessus puisqu’elle ni personne dans le camion, qui roulait à tombeau ouvert, n’était autorisé à faire la moindre pause pour se soulager de quelque besoin que ce soit. Elle mentionnera le fait que le policier en face d’elle dans le camion ne cessait pas de ‘’dégainer’’ durant le trajet. Désespérée elle a écrit sur des bouts de papiers qu’elle jetait discrètement le long du trajet, des messages dans lesquelles elle donnait certains détails qui auraient permis de reconstituer leur histoire au cas où on les faisait disparaitre. Une fois arrivés au CCGMI de Soa poursuivra-t-elle, les déportés furent tous sortis du Camion « comme des esclaves » et parmi les policiers en charge de leur extraction le commentaire suivant a été lancé : « allons maintenant on part au cimetière ». Il a ensuite été dit aux déportés qu’ils allaient être tués dans la pièce où on les conduisait. Il n’en sera finalement rien et la nuit va s’écouler pour s’ouvrir sur une journée de traumatismes. Les policiers vont arriver le matin avec des sardines et s’exclamer en disant : « vous dites que nous sommes des sardinards ? Voilà la sardine mangez !! ». Intrigués par cette injonction, les déportés vont demander pourquoi les obligeait-on à manger ces boîtes de sardines ? « Nous allons vous empoisonner vous croyez que vous êtes en bon voyage ici ??!! » sera la réponse servie par les policiers dira la prévenue devant la barre. Les mêmes policiers leurs diront menaçants, suivant son témoignage, qu’ «on vous demande de militer dans le parti au pouvoir vous partez militer ailleurs ?!». Elle fit remarquer au tribunal qu’à travers les barreaux des fenêtres de leur lieu de garde à vue les déportés pouvaient voir les avocats arriver et être empêchés d’entrer, tandis que les policiers leurs disaient invariablement que les avocats les avaient abandonnés et ne venaient pas les assister. Avant d’être déférée devant le Commissaire du Gouvernement près le tribunal militaire de Yaoundé, elle a refusé de signer un document présenté par un agent de police. Cet agent lui a répondu « moi je ne te connais pas, je n’ai rien contre toi, moi je respecte les ordres. En tous cas que tu signes ou pas tu seras déférée devant le Commissaire du Gouvernement ». Un dernier prisonnier politique à prendre la parole sera ce Délégué médical officiant à Bafoussam et père de 06 enfants qui a été arrêté alors qu’en traversant la place BIAO de Bafoussam il a entendu un policier crier « voilà l’un d’entre eux ! ». Il sera de suite assailli par des hommes en tenue de la police qui vont s’acharner sur lui avant que l’un d’entre eux les interrompe en disant « c’est le délégué vous ne le connaissez pas ??? ». Cette attaque violente va lui causer un mal de dos et une « gastralgie » qu’il continue de traîner jusqu’à ce jour.
Les paroles des prisonniers politiques résonnaient encore dans les têtes de l’assistance que madame le Président du Tribunal mettait l’affaire en délibéré pour le 21 mars prochain, avant quelques instants plus tard de rejeter toutes les demandes d’habeas corpus examinées le 07 mars dernier devant elle et qu’elle avait déjà mises en délibéré dans les mêmes conditions que ce jeudi. Ce rejet incompréhensible aux yeux du droit est venu renforcer le sentiment ambiant d’une messe toute dite, et dont les motivations politiques apparaissaient de plus en plus avec la même vigueur que le soleil de midi en saison sèche.
Sur cette décision honteuse et ignorante des prescriptions légales par laquelle madame le Président du Tribunal montrait la valeur qu’elle accordait à la règle de droit et son respect, l’audience s’achèvera alors que l’horloge indiquait 18H20.

BN

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